Introduction : l’importance de la double authentification (2FA)
La double authentification (2FA) est une mesure de sécurité essentielle pour protéger l’accès à vos comptes en ligne. En plus de votre mot de passe, elle requiert un second facteur (un code temporaire, une confirmation sur appareil, etc.) pour vérifier votre identité. Ainsi, même si un attaquant obtient votre mot de passe, il ne pourra pas accéder à votre compte sans ce second facteur. De nombreuses solutions d’authentification 2FA existent : applications mobiles générant des codes, clés de sécurité physiques, gestionnaires de mots de passe avec codes temporaires, etc. Face à ce choix varié, comment sélectionner la bonne application d’authentification adaptée à vos besoins ? Cet article détaillé vise à vous guider, que vous soyez un particulier, un professionnel en entreprise ou un développeur aguerri, en comparant les différentes options disponibles et les critères à considérer (sécurité, respect de la vie privée – RGPD, open source, usage professionnel ou privé, etc.).
Critères de choix d’une application d’authentification
Avant de comparer les solutions, identifions les principaux critères à prendre en compte pour bien choisir votre application d’authentification :
Sécurité et chiffrement des données : Optez pour une application qui chiffre vos codes 2FA et secrets de manière sécurisée, de préférence localement. Vérifiez que les données ne sont pas stockées sur des serveurs non sécurisés sans votre consentement. Certaines apps offrent des fonctionnalités de sécurité supplémentaires (code PIN ou biométrie pour accéder à l’appli, codes plus longs, protection anti-phishing via protocoles modernes, etc.).
Confidentialité et conformité RGPD : Assurez-vous que la solution respecte votre vie privée et les réglementations de protection des données. L’idéal est une application conçue selon les principes du Privacy by Design, c’est-à-dire limitant l’utilisation de données personnelles au strict nécessaire. Par exemple, une application sans inscription obligatoire (ou utilisable de manière anonyme) est un plus. La CNIL rappelle que les solutions d’authentification multifacteur doivent être conformes au RGPD dès la conception lorsqu’elles manipulent des données personnelles.
Open source vs propriétaire : Les applications open source offrent une transparence totale : leur code étant public, la communauté peut auditer la sécurité et s’assurer de l’absence de fonctionnalités malveillantes. Choisir une application open source de confiance (ex : Aegis, 2FAS, FreeOTP…) peut apporter une garantie supplémentaire sur la fiabilité, là où une application propriétaire nécessite de faire confiance à l’éditeur. Par exemple, l’app 2FAS est open source et utilisable sans fournir de données personnelles (anonymement), gage de transparence.
Compatibilité et écosystème : Vérifiez que l’application 2FA est compatible avec tous les services que vous utilisez. La plupart supportent le standard TOTP (codes à durée limitée), ce qui les rend utilisables avec Google, Facebook, Microsoft, banques, etc. Cependant, certaines solutions peuvent offrir une meilleure intégration dans un écosystème particulier. Par exemple, Microsoft Authenticator s’intègre parfaitement à l’univers Microsoft (compte Microsoft, Windows, Azure AD) et propose même la validation par notification push pour les comptes Microsoft. Si vous êtes très investi dans un écosystème, tenez compte de cette dimension.
Synchronisation multi-appareils et sauvegarde : La perte de votre appareil principal ne doit pas vous faire perdre l’accès à vos codes. Deux approches existent :
Applications sans sauvegarde cloud : Google Authenticator, par exemple, a longtemps fonctionné uniquement en local sur un appareil. Cela renforce l’isolement des données, mais complique la récupération en cas de changement ou perte de smartphone. En effet, Google Authenticator ne synchronise pas vos codes entre appareils, et un remplacement de téléphone impose une migration manuelle fastidieuse (export des comptes ou recours aux codes de secours). De plus, cette appli n’offrait pas (jusqu’à récemment) de chiffrement ou de verrouillage spécifique de l’appli, s’appuyant seulement sur la sécurité du téléphone.
Applications avec synchronisation/bakcup : D’autres solutions proposent des sauvegardes chiffrées dans le cloud et la synchronisation multi-appareils pour plus de commodité. Par exemple, Authy (édité par Twilio) a été l’un des premiers à offrir la sauvegarde et l’accès aux codes sur plusieurs appareils (smartphone, tablette, ordinateur) via un compte utilisateur. Cela facilite grandement la récupération : si vous changez de téléphone, il vous suffit d’installer l’app et de vous reconnecter pour retrouver vos codes. De son côté, l’application open source 2FAS propose aussi une synchronisation multi-appareils, au choix via votre compte iCloud/Google Drive ou par export d’un fichier de clés à importer sur un autre appareil. Ente Auth, autre appli axée confidentialité, offre également une synchronisation chiffrée des codes entre appareils. Attention toutefois : qui dit compte cloud dit potentiellement fourniture de données personnelles (adresse mail, numéro de téléphone dans le cas d’Authy) et transfert de données hors de votre contrôle – assurez-vous que les données sont chiffrées et que le service est de confiance.
Simplicité d’utilisation et ergonomie : Pour une adoption au quotidien, l’application doit être intuitive. Une interface claire, la possibilité de classer ou de rechercher ses comptes, un scan facile des QR codes pour ajouter de nouveaux services, sont autant de points qui faciliteront l’usage, notamment pour le grand public moins technophile. Par exemple, Google Authenticator est apprécié pour sa simplicité extrême et son interface épurée allant à l’essentiel, tandis qu’Authy ou d’autres offrent des options de classement par dossiers, de verrouillage par PIN, etc., qui ajoutent de la complexité mais aussi des fonctionnalités utiles.
Options de récupération et d’export : Outre la sauvegarde cloud évoquée, renseignez-vous sur les mécanismes de récupération. Certaines applications permettent d’exporter vos comptes 2FA (souvent via un QR code global ou un fichier) pour les transférer vers une autre app ou en garder une copie de secours. Cette option peut être utile pour changer d’application plus tard ou avoir un plan B. Pensez également aux codes de secours fournis par chaque service (indépendamment de l’application) et conservez-les en lieu sûr.
Coût et modèle économique : La majorité des applications d’authentification courantes sont gratuites. Méfiez-vous si une appli inconnue vous réclame un paiement sans valeur ajoutée claire. Les clés de sécurité matérielles, elles, sont payantes (selon le modèle, comptez généralement entre 20€ et 60€ par clé). Les solutions d’entreprise (type gestion centralisée MFA) peuvent impliquer des coûts de licence. Assurez-vous que l’investissement en vaut la peine pour votre cas d’usage.
Après ces critères généraux, passons en revue les types d’applications d’authentification disponibles, avec leurs avantages et inconvénients, ainsi que des exemples populaires pour chaque catégorie.
Panorama des types de solutions d’authentification 2FA
Applications mobiles d’authentification (soft tokens)
Les applications mobiles 2FA sont les plus répandues. Installées sur votre smartphone (ou tablette), elles génèrent des codes temporaires à saisir lors de la connexion à vos services. Avantages : elles sont souvent gratuites, faciles à installer (scannez un QR code pour ajouter un compte) et fonctionnent hors-ligne dans la plupart des cas. Inconvénients : vos codes se trouvent sur votre téléphone ; en cas de perte/vol de celui-ci, la récupération dépendra de vos sauvegardes/codes de secours.
Quelques exemples et caractéristiques :
Google Authenticator : Application pionnière de Google, très populaire. Ultra-simple, sans fioritures, elle génère des codes TOTP 6 chiffres toutes les 30 secondes. Avantage : fiabilité et compatibilité universelle (tous les sites qui supportent 2FA proposent un QR code « Google Authenticator » qui est en réalité un standard TOTP). Fonctionne entièrement hors-ligne, aucun compte requis. Inconvénient : pas de synchronisation native entre appareils ni de sauvegarde cloud (il faut transférer manuellement les comptes vers un nouvel appareil). De plus, l’application ne propose pas de verrouillage par PIN/biométrie – elle compte sur le verrouillage de votre téléphone pour empêcher l’accès. Google a commencé à améliorer ces points (fonction de transfert de comptes via QR code, et depuis 2023 une option de synchronisation via votre compte Google), mais Historiquement, sa simplicité allait de pair avec un minimum de fonctionnalités.
Authy (Twilio) : Très prisé pour un usage personnel multi-appareils. Avantages : synchronisation entre plusieurs appareils et sauvegardes chiffrées dans le cloud (protégées par mot de passe), ce qui rend la récupération de comptes perdus beaucoup plus simple qu’avec Google Auth. Disponible sur Android, iOS et ordinateurs (application de bureau), Authy offre aussi un verrouillage de l’appli (PIN ou empreinte) pour empêcher un accès non autorisé à vos codes. Inconvénients : nécessite de s’enregistrer avec un numéro de téléphone (donnée personnelle), et vos codes (chiffrés) transitent par les serveurs de Twilio – cela peut poser question en termes de confiance et de juridiction (données hébergées à l’étranger vis-à-vis du RGPD). Twilio assure ne stocker que des données chiffrées côté client, mais cela implique de faire confiance à cette implémentation. Par ailleurs, l’interface est un peu plus chargée que Google Auth.
2FAS (2FA Authenticator) : Application récente open source, multiplateforme (Android/iOS + extension navigateur). Avantages : code source auditable publiquement (gage de transparence), utilisation anonyme sans compte obligatoire, stockage local des clés par défaut. Une synchronisation optionnelle est proposée via Google Drive ou iCloud, mais elle reste sous votre contrôle (et vous pouvez choisir une exportation locale manuelle à la place). L’appli est simple d’emploi et compatible avec tous les services courants. Inconvénients : encore peu connue, et la synchronisation via le cloud nécessite de faire confiance à Google/Apple (bien que les données puissent être chiffrées). Cependant, pour ceux qui cherchent une alternative gratuite et ouverte à Authy, 2FAS est un excellent choix.
Ente Auth : Solution orientée confidentialité. Open source également, Ente Auth chiffre tous les secrets en local avant toute sauvegarde cloud. Avantages : synchronisation chiffrée entre appareils, pas de pub, interface moderne épurée, et une politique de protection des données transparente (pas de collecte superflue). Inconvénients : encore jeune, compatibilité un peu moindre avec certains services peut-être (d’après les retours) et moins de notoriété, donc communauté plus réduite. Reste une option prometteuse pour qui met la barre très haut sur la confidentialité, en alternative à des solutions comme Authy ou Google.
Microsoft Authenticator : Application proposée par Microsoft, initialement pour sécuriser les comptes Microsoft (Outlook/Live, Office 365, Azure AD…). Avantages : outre les codes TOTP classiques, elle prend en charge les notifications push pour valider la connexion sur un compte Microsoft d’un tap (pas de code à recopier) – très pratique dans l’écosystème Windows/Office. Elle permet aussi de synchroniser vos comptes 2FA sur vos différents appareils via votre compte Microsoft (sauvegarde chiffrée dans le cloud Microsoft). Interface conviviale et en français, possibilité de verrouiller l’accès par biométrie. Inconvénients : pensée pour l’écosystème Microsoft, elle est un peu moins ouverte que d’autres (par ex., pas d’export facile des comptes). Si vous n’utilisez pas de services Microsoft, l’intérêt de cette appli est moindre, et certaines fonctionnalités avancées ne marchent qu’avec les produits Microsoft. Par ailleurs, elle nécessite un compte Microsoft pour la synchro.
Duo Mobile (Cisco) : Populaire dans le monde professionnel. Duo Mobile génère des codes 2FA et peut aussi servir à approuver des demandes de connexion (push) dans un contexte d’entreprise utilisant la solution complète Duo. Avantages : robuste et réputé, permet une gestion centralisée pour les entreprises (via la plateforme Duo) avec des options avancées (vérification de l’état de sécurité du téléphone, audits d’usage, etc.). Inconvénients : un peu lourd à déployer juste pour un particulier, et moins intuitif que d’autres si on l’utilise seul. Il prend tout son sens dans un cadre d’entreprise avec l’infrastructure Duo derrière. Notez qu’en entreprise, si Duo ou un autre système MFA est imposé, vous n’aurez peut-être pas le choix de l’application à utiliser (l’organisation peut imposer son app ou configurer l’app pour vous).
Autres applications notables : on peut citer FreeOTP (application 2FA open source par Red Hat, basique mais sans suivi récent), andOTP (open source Android, désormais supplanté par Aegis), Aegis Authenticator (open source Android, très apprécié pour son chiffrement fort de la base de codes et ses options de tri/backup locales), LastPass Authenticator, 1Password Authenticator, IBM Verify, etc. Ces dernières sont parfois liées à un service particulier (par exemple, l’app LastPass est surtout utile si vous utilisez déjà le gestionnaire LastPass). À l’inverse, Apple a intégré un générateur de codes 2FA directement dans les réglages iOS/macOS (dans le Trousseau iCloud) – pratique pour les utilisateurs Apple mais ces codes ne sont disponibles que sur vos appareils Apple connectés au même compte.
En résumé, les applications mobiles sont nombreuses. Si vous privilégiez la simplicité et l’universalité, des applis comme Google Authenticator ou 2FAS feront l’affaire. Si vous tenez à la synchronisation et à la facilité de récupération, tournez-vous vers Authy, 2FAS (avec cloud) ou Microsoft Auth. Si la confidentialité et l’open source priment, Aegis, Ente Auth ou 2FAS (en usage local) sont d’excellents choix. Si vous êtes en environnement professionnel Microsoft ou Google, leurs applications natives (Microsoft Authenticator, ou Google Authenticator couplé à votre compte Google) peuvent s’intégrer au mieux. On le voit, il n’y a pas de solution « parfaite universelle », tout dépend de vos critères.
Clés de sécurité physiques (tokens matériels U2F/FIDO2)
Les clés de sécurité matérielles sont des dispositifs physiques (de la taille d’une petite clé USB ou d’un porte-clé) qui fournissent un second facteur d’authentification. On parle de clés U2F/FIDO2 (standards ouverts) ou plus largement de tokens physiques. Ces clés peuvent prendre la forme d’une clé USB à insérer (ex : YubiKey, Nitrokey) ou d’un dispositif NFC/Bluetooth (à approcher du téléphone). Certaines ressemblent à des mini-calculatrices générant un code sur un écran. Voici les atouts et contraintes de ces solutions :
Avantages :
Sécurité maximale : Une clé matérielle est considérée comme le moyen le plus sûr d’implémenter la 2FA. Contrairement à un code TOTP qui pourrait être phishé (un site frauduleux pourrait vous le soutirer), les clés FIDO2 utilisent de la cryptographie asymétrique et ne répondent qu’au site web légitime pour lequel elles ont été enregistrées, ce qui empêche le phishing et autres attaques avancées. Par ailleurs, les clés YubiKey peuvent générer des OTP très longs (44 caractères) impossibles à deviner.
Simplicité d’usage : Une fois configurée, l’utilisation est très simple. Par exemple, pour se connecter, il suffit de brancher la clé et d’appuyer sur son bouton (ou de la tapoter sur le téléphone en NFC). Pas besoin de recopier un code à six chiffres manuellement, ce qui évite les erreurs et va plus vite.
Moins de risques de perte de l’accès : Vous pouvez (et devriez) enregistrer plusieurs clés de sécurité pour un même compte, afin d’en avoir une de secours. Il est généralement recommandé d’en avoir au moins deux (une principale, une sauvegarde stockée en lieu sûr). Ainsi, la perte d’une clé n’est pas dramatique, vous utilisez la seconde. De plus, beaucoup de personnes font plus attention à un petit dispositif dédié qu’à un smartphone utilisé partout : les entreprises comme Kraken constatent qu’il est moins fréquent de perdre une clé de sécurité dédiée qu’un téléphone.
Respect de la vie privée : Une clé physique ne divulgue rien sur les services que vous utilisez. Si vous perdez votre clé, elle ne contient aucune donnée personnelle identifiable (ni nom de compte, ni infos de connexion). Au contraire, une application mobile d’authentification peut afficher la liste de vos comptes (ex : « Facebook – Jean Dupont ») à quiconque accède à votre téléphone. Avec la clé, pas de trace exploitable : elle est universelle pour n’importe quel service, seules les signatures cryptographiques internes diffèrent.
Inconvénients :
Coût : Une application mobile est gratuite, alors qu’une clé U2F/FIDO2 est payante. Les modèles les plus courants (Yubico YubiKey, Feitian, Thetis, Google Titan, etc.) coûtent quelques dizaines d’euros pièce. C’est un investissement, surtout si on en prend plusieurs pour en avoir de rechange.
Praticité : Avoir une clé physique nécessite de l’avoir sur soi au moment de se connecter. Pour un PC, il faut un port USB libre (ou Bluetooth/NFC). Sur mobile, il faut une compatibilité NFC ou un adaptateur si c’est USB. Cela ajoute un objet à gérer en plus du smartphone. Certaines personnes peuvent trouver cela moins pratique que de simplement regarder un code sur le téléphone. En usage quotidien, sortir la clé à chaque connexion peut sembler fastidieux, bien que pour les services principaux on s’y habitue.
Compatibilité : Tous les services n’acceptent pas encore les clés de sécurité comme 2FA, bien que la norme FIDO2/WebAuthn soit de plus en plus supportée (Google, Microsoft, Facebook, Twitter, GitHub, Dropbox, et bien d’autres sites majeurs l’acceptent). Parfois, le service impose d’enregistrer deux méthodes (par ex une clé + un code SMS en secours). Vérifiez donc si vos sites critiques prennent en charge les clés physiques avant d’en dépendre exclusivement. La bonne nouvelle est que le support s’élargit chaque année, et que les clés sont souvent multi-protocoles : une YubiKey peut servir de clé FIDO2, mais aussi générer des codes TOTP ou des OTP spécifiques, voire servir de carte à puce, etc. Cette polyvalence permet de l’utiliser sur presque tous les sites (via différentes méthodes).
Perte/vol : Si vous perdez la clé ET qu’aucune autre méthode de secours n’est en place, l’accès à vos comptes pourrait devenir difficile. Il faut alors passer par les procédures de récupération du service (qui peuvent être longues ou incertaines). D’où l’importance d’enregistrer plusieurs clés et/ou de conserver des codes de secours. En entreprise, une gestion administrative permet de révoquer une clé perdue et d’en déployer une nouvelle pour l’employé.
Exemples de clés matérielles : la gamme YubiKey (Yubico) est la plus connue (divers modèles USB-A, USB-C, NFC, avec ou sans biométrie). Google Titan est une clé vendue par Google (USB/NFC/Bluetooth). Thetis, Feitian et d’autres marques offrent des clés U2F compatibles à des prix variés. Il existe aussi des cartes à puce au format carte de crédit qui font office de clé 2FA. Pour un usage grand public, la YubiKey Security Key (modèle de base) est souvent recommandée pour démarrer. Pour un usage professionnel, on pourra se tourner vers des modèles avec gestion centralisée ou certification supplémentaire. Chaque modèle a ses spécificités, mais la sécurité apportée par ce type de dispositif est nettement supérieure à celle d’une appli mobile classique selon de nombreux experts.
(À noter : Les clés de sécurité s’inscrivent dans la tendance de l’authentification sans mot de passe (passwordless), où elles peuvent même remplacer le mot de passe dans certains cas. Cependant, dans le cadre de cet article nous les considérons comme un facteur secondaire.)
Gestionnaires de mots de passe et autres logiciels (codes TOTP sur PC)
Une autre catégorie de solutions d’authentification concerne les logiciels de bureau ou gestionnaires de mots de passe capables de générer des codes 2FA. Par exemple, KeePassXC (gestionnaire de mots de passe open source) permet de stocker le secret TOTP d’un compte en même temps que le mot de passe, et affiche le code à usage unique correspondant. D’autres gestionnaires comme 1Password, Bitwarden, LastPass proposent aussi cette fonctionnalité d’authentificateur intégré.
Avantages :
Tout-en-un : vous n’avez qu’une seule application à gérer pour vos mots de passe et vos codes 2FA. Cela peut simplifier votre flux de connexion : le gestionnaire peut remplir automatiquement le mot de passe et le code 2FA sur le site, ce qui est très confortable.
Synchronisation existante : si votre gestionnaire de mots de passe synchronise déjà vos coffres-forts entre vos appareils, vos codes 2FA suivront de la même façon. Par exemple, KeePassXC utilise un fichier de base de données que vous pouvez synchroniser via un service de cloud sécurisé de votre choix ; Bitwarden/1Password synchronisent via leur service cloud ; ainsi vous avez accès aux codes sur PC et mobile sans configuration supplémentaire.
Open source et contrôle : dans le cas de KeePassXC par exemple, tout est stocké localement dans un fichier chiffré dont vous seul avez la clé. C’est open source et audité, donc rassurant sur la sécurité. Pas de risque de suivi ou d’analyse de vos données par un tiers.
Utilisation hors smartphone : c’est pratique si vous souhaitez éviter d’utiliser un smartphone pour vos codes (certaines personnes préfèrent ne pas lier la 2FA à leur téléphone). Sur un PC de bureau, vous pouvez avoir KeePassXC ou un autre logiciel pour générer les codes. Utile aussi dans des contextes spécifiques (administration système, environnement offline, etc.).
Inconvénients :
Facteurs non séparés : En stockant vos mots de passe et vos codes 2FA au même endroit, vous perdez en partie le bénéfice de la double séparation des facteurs. En effet, un pirate qui compromettrait votre gestionnaire de mots de passe (par exemple, en volant votre base de données et votre mot de passe maître) aurait alors tout en main : le mot de passe et le second facteur. Vous réduisez ainsi la sécurité globale par rapport à une solution où le mot de passe est sur votre PC mais le code 2FA uniquement sur votre téléphone. Des experts en sécurité soulignent que même si cette pratique reste mieux que pas de 2FA du tout, elle abaisse le niveau de protection car vos comptes reposent sur un point de défaillance unique (votre coffre-fort de mots de passe). Il est donc recommandé, si vous utilisez cette méthode, de très bien sécuriser votre gestionnaire (mot de passe maître robuste, éventuellement protéger le gestionnaire lui-même par une 2FA matérielle type YubiKey, etc.).
Moins mobile : si vos codes ne sont que dans votre PC, vous ne les aurez pas toujours sur vous comme avec une appli mobile. Il faut alors la version mobile du gestionnaire ou une méthode d’accès. KeePassXC par exemple implique d’ouvrir son ordinateur ou d’avoir une copie de la base sur le téléphone via une appli compatible (KeePass2Android, Strongbox…).
Configuration manuelle : ajouter un TOTP dans un gestionnaire peut être un peu plus technique (souvent il faut copier la clé secrète manuellement ou scanner un QR code via une extension, alors qu’une appli mobile scanne directement). Ce n’est pas insurmontable, mais moins convivial pour un débutant.
En somme, utiliser un gestionnaire de mots de passe pour les codes 2FA convient plutôt à des utilisateurs avancés, cherchant à tout centraliser et conscients des enjeux de sécurité. KeePassXC est apprécié des développeurs et paranoïaques de la sécurité car tout reste local et open source. Bitwarden offre aussi le TOTP intégré dans sa version premium. Si vous optez pour cette approche, idéalement ne l’appliquez pas à tous vos comptes : pour les comptes critiques (mail principal, banque, gestionnaire de mots de passe lui-même), il est conseillé de garder une 2FA séparée (appli mobile ou clé physique) pour conserver une indépendance des facteurs. Pour d’autres comptes moins sensibles, le confort peut primer et le risque est alors acceptable dans une certaine mesure.
Usage personnel vs professionnel : quelles différences ?
Les besoins ne sont pas forcément les mêmes pour un particulier et pour une organisation ou un utilisateur avancé. Voici quelques conseils selon votre profil.
Pour le grand public / particuliers
Si vous cherchez à sécuriser vos comptes personnels (email, réseaux sociaux, services en ligne divers) sans complexifier outre mesure votre quotidien, privilégiez la simplicité et la fiabilité. Une application mobile telle que Google Authenticator ou Microsoft Authenticator suffira souvent amplement pour débuter : elles sont simples à configurer, reconnues, et prises en charge par presque tous les sites.
Toutefois, pensez à anticiper la perte de votre téléphone : sauvegardez les codes de secours fournis par chaque service lors de l’activation de la 2FA (imprimez-les ou notez-les en lieu sûr). Si vous êtes prêt à gérer une application un peu plus complète pour faciliter la sauvegarde, tournez-vous vers Authy ou 2FAS qui offrent des options de récupération plus simples (sauvegarde cloud, transfert).
Côté confidentialité, si vous êtes sensible à la protection des données, vous pouvez choisir d’emblée une appli open source et respectueuse de la vie privée comme Aegis (Android) ou Ente Auth. Ces dernières n’envoient pas vos secrets sur des serveurs distants sans chiffrement et n’exigent pas d’informations personnelles. Leur usage est tout aussi simple une fois configurées.
En résumé pour un particulier : l’important est d’utiliser la 2FA sur vos comptes critiques, quelle que soit l’application, plutôt que de ne pas l’utiliser. Choisissez une appli avec laquelle vous êtes à l’aise et n’oubliez pas de noter les recours (codes de secours ou export) en cas de problème.
Pour les professionnels et entreprises
Dans un cadre professionnel, la sécurité et la conformité prennent une dimension accrue. Les entreprises doivent souvent se conformer à des politiques internes ou réglementaires (ex : RGPD, protection des données clients). Voici quelques points spécifiques :
Gestion centralisée et utilisateurs multiples : À l’échelle d’une entreprise, on privilégiera des solutions qui permettent à l’administrateur IT de déployer et contrôler la 2FA pour les employés. Par exemple, une entreprise sur Microsoft 365 activera Azure MFA, incitant l’usage de Microsoft Authenticator (ou d’une notification sur Teams/Outlook). De même, des solutions comme Duo Security (Cisco) ou Okta offrent un portail où l’admin peut vérifier qui a configuré sa 2FA, forcer l’enrôlement, réinitialiser les facteurs si besoin, etc. Ces solutions viennent souvent avec leur application dédiée (Duo Mobile, Okta Verify). Avantage : si un employé perd son accès 2FA, l’entreprise peut l’aider à regagner l’accès via des méthodes de secours administratives, évitant un blocage prolongé.
Appareils personnels vs appareils fournis : Dans beaucoup d’entreprises, la question du BYOD (Bring Your Own Device) se pose. Faire installer une application 2FA sur le téléphone personnel de l’employé peut soulever des questions (support du téléphone, droit à la déconnexion, etc.). Certaines entreprises fournissent carrément des clés de sécurité physiques à leurs employés pour séparer totalement l’authentification du téléphone personnel. Cela présente l’avantage de la sécurité (clé physique difficilement attaquable à distance) et de la neutralité (si l’employé quitte la société, on récupère la clé ou on la désactive, sans impacter son téléphone perso). Exemple : Yubico propose des programmes d’entreprise pour déployer des YubiKeys en masse. Côté RGPD, fournir une clé matérielle évite de demander le numéro de téléphone ou l’email personnel de l’employé pour la 2FA, ce qui simplifie la conformité (pas de donnée personnelle à traiter, ou très peu).
Conformité et audit : Les applications utilisées en entreprise doivent pouvoir être approuvées par les équipes sécu/données. Préférez des applications ayant bonne réputation et idéalement conformes aux standards de l’industrie. Par exemple, Duo Mobile est reconnu et l’ANSSI (en France) fournit des recommandations générales encourageant l’authentification forte en entreprise. La CNIL souligne l’importance que ces solutions soient conformes RGPD et propose une démarche pour choisir les modalités adaptées en entreprise (SMS, appli, clé…) en minimisant les données collectées. Concrètement, pour une entreprise, cela peut signifier : éviter les solutions qui exigent trop de données personnelles (préférer une appli interne ou une clé plutôt qu’un SMS sur numéro personnel), s’assurer du chiffrement des données de 2FA en cas d’utilisation d’un cloud, et documenter la base légale du dispositif (souvent l’intérêt légitime de sécurité).
Formation et support : Quelle que soit la solution choisie (appli ou clé), il faudra accompagner les utilisateurs. Une appli simple comme Microsoft Authenticator peut être plus facile à faire adopter (beaucoup d’utilisateurs l’ayant déjà utilisée pour leurs comptes perso). À l’inverse, distribuer des clés U2F nécessite une petite formation (comment les utiliser, les enregistrer sur chaque compte, etc.). Cependant, le gain de sécurité peut en valoir la peine pour des postes sensibles.
En somme, en contexte professionnel, les clés de sécurité et les applications gérées centralement sont souvent privilégiées pour les niveaux de sécurité élevés. L’enjeu est de trouver un équilibre entre la sécurité maximale, la facilité de déploiement et le respect de la vie privée des employés. Par exemple, certaines entreprises combinent les approches : une clé de sécurité pour les accès sensibles couplée à une application mobile en secours, ou inversement. L’important est d’établir une politique claire et de communiquer aux utilisateurs comment gérer leur 2FA (et quoi faire en cas de perte).
Pour les développeurs et utilisateurs avancés
Les développeurs, administrateurs système et autres utilisateurs avancés ont souvent des besoins spécifiques et une appétence pour les solutions plus pointues :
Open source et personnalisable : Les profils techniques apprécieront les solutions open source qu’ils peuvent vérifier et même auto-héberger. Par exemple, un développeur pourra choisir Aegis sur Android pour son caractère open source, ou utiliser KeePassXC couplé à des scripts pour automatiser la récupération de codes. Des projets plus spécialisés comme
oathtool
(en ligne de commande) permettent de générer des codes TOTP dans des scripts, pratique pour automatiser certains tests ou pour les amateurs de terminal.Intégration au workflow : Un développeur pourra intégrer la 2FA dans ses outils : par exemple, configurer Visual Studio Code ou un autre éditeur pour copier le code OTP automatiquement, utiliser une extension de navigateur (il existe des extensions KeePassXC ou Bitwarden qui remplissent les codes 2FA sur les sites automatiquement). L’outil 1Password est aussi prisé des développeurs car il peut stocker les TOTP et les remplir via l’extension navigateur en même temps que le mot de passe.
Multiples facteurs : Les utilisateurs avancés n’hésitent pas à multiplier les couches. Par exemple, ils peuvent combiner clé de sécurité et application sur un même compte (beaucoup de services le permettent : vous pouvez avoir une clé U2F enregistrée en plus d’un code TOTP). Ainsi, en cas d’indisponibilité de l’un, l’autre sauve la mise. C’est une bonne pratique que les experts recommandent pour les comptes critiques : toujours avoir au moins deux secondes méthodes différentes.
Considérations RGPD/dev : Si vous développez votre propre application ou service et souhaitez implémenter la 2FA pour vos utilisateurs, pensez à utiliser des solutions standards conformes (par ex., intégrer la connexion via WebAuthn/FIDO2 pour les clés de sécurité/passkeys, ou proposer la 2FA par applis TOTP sans forcer l’usage de données personnelles). S’appuyer sur des solutions open source éprouvées (libraries TOTP, serveurs d’authentification open source comme privacyIDEA) vous évitera de réinventer la roue tout en restant transparent sur la sécurité.
En résumé, un développeur ou power-user aura tendance à se tourner vers des solutions flexibles et auditables. KeePassXC pour tout garder sous la main, Aegis ou FreeOTP pour ne dépendre que de logiciels libres, clés YubiKey pour les projets GitHub ou l’accès serveur (beaucoup utilisent des YubiKeys pour sécuriser SSH, Git, etc.). L’important est de rester cohérent avec son modèle de menace : identifiez ce que vous risquez et ajustez la solution. Par exemple, si vous craignez les attaques ciblées ou l’espionnage, privilégiez les dispositifs matériels et les applis hors ligne, et évitez toute synchronisation cloud non maîtrisée.
Conclusion : vers une authentification renforcée et maîtrisée
Choisir son application d’authentification 2FA est un équilibre entre sécurité, praticité et confiance. Il n’existe pas de solution universellement supérieure : la meilleure option dépend de votre contexte et de vos priorités. Un utilisateur lambda sera bien protégé avec une appli mobile classique (Google Authenticator, Microsoft Authenticator, etc.) pourvu qu’il en comprenne l’usage et garde des sauvegardes. Un passionné de sécurité ou une entreprise sensible ira plus loin en adoptant des clés physiques comme les YubiKeys pour se prémunir des attaques sophistiquées (phishing, malware). Entre ces deux extrêmes, des applications modernes comme 2FAS ou Ente Auth montrent qu’on peut allier convivialité, multi-plateforme et respect de la vie privée.
Quoi qu’il en soit, l’essentiel est de ne plus se reposer sur le seul couple identifiant/mot de passe. La double authentification, sous toutes ses formes, ajoute une barrière supplémentaire qui fait toute la différence pour sécuriser nos vies numériques. Adoptez-la dès que possible sur vos comptes, et choisissez l’outil qui vous donnera envie de l’utiliser sur le long terme. La sécurité doit être un réflexe, et grâce à ces applications et dispositifs, elle peut le devenir sans trop d’effort. En 2025, il est plus que temps de franchir le pas vers une authentification forte, tout en gardant un œil sur la confidentialité de nos données – c’est possible et de plus en plus accessible. Sécurité et simplicité peuvent aller de pair, à vous de trouver la combinaison gagnante pour vos besoins. Bonne authentification à tous !
Sources : Les informations de cet article s’appuient sur des recommandations d’experts en sécurité (CNIL, ANSSI), des comparatifs récents d’applications 2FA et des retours d’expérience utilisateurs, notamment Clubic, la documentation Kraken Security, ainsi que sur des discussions de la communauté Privacy Guides et des analyses de solutions open source. Chaque solution citée a ses forces et faiblesses, il convient de les évaluer au regard de vos impératifs. Sécurisez-vous bien tout en restant maître de vos choix technologiques !